L’habitation est une manière d’aménager l’espace où l’homme vit avec sa famille et une façon d’y modeler les sous-espaces qui répondent aux exigences de son mode de vie. Espace construit, espace habité, telle est la demeure médinale qui est la concrétisation de savoirs et de savoir-faire en matière d’arts de bâtir accumulés et transmis, où alternent les espaces couverts et les espaces découverts. La maison en médina est aussi le réceptacle de la vie familiale dans son acception élargie. L’espace à vocation résidentielle est pratiquement sans rapport avec les espaces publics, sauf par les portes d’entrée des maisons, souvent valorisées par des encadrements en pierre appareillée, et uniques ouvertures dans des façades austères qui cachent une intimité préservée et dissimulent les splendeurs des cours intérieures aux murs lambrissées de carreaux de faïence et aux portes en bois finement sculpté. Le poncif tant galvaudé de l’introversion de l’habitation traditionnelle, est plus qu’une exigence morale ou culturelle, une conséquence d’un ordre urbain fondé sur la contiguïté. L’habitat en médina est donc fondé sur la mitoyenneté à travers les murs communs qui délimitent le foncier et du coup, génèrent l’introversion et subséquemment l’ouverture des demeures sur les patios. Sur les façades, n’ouvrent que les portes d’entrée et éventuellement celles des dépôts de réserves pour les grandes demeures ; tandis que les fenêtres n’existent qu’à l’étage ou donnent simplement sur la cour intérieure de par et d’autre des portes des chambres. L’entrée de l’habitation médinale à Sfax est en chicane ; la partie extérieure est destinée à la réception des visiteurs étrangers à la famille, alors que la seconde donne sur un portique unique ou double, puis sur la cour centrale ; ce qui représente une spécficité architecturale locale. Le portique est un espace médian représentant un prolongement des communs comme la cuisine, la salle d’ablutions, les latrines et la chambre à provisions, et facilitant la communication entre ces différents espaces sans devoir passer par la cour. Outre sa fonction de régulateur thermique et source de lumière et d’aération, le patio joue un rôle architectural de distribution et une fonction sociale, puisque c’est autour de lui que se répartissent et ouvrent les chambres d’habitation. Ces pièces sont couramment oblongues et peu profondes, hormis dans les grandes demeures où elles peuvent avoir un défoncement central (tathlitha) et des chambrettes latérales. L’ameublement de ces chambres est inscrit dans l’architecture, aussi délimite-t-il ses différents espaces tels l’alcôve qui, matérialisée par un devant de lit en bois ouvragé, occupe l’un des deux ailes, ou la chambre dite de bois (beyt el-oud) qui occupe l’autre, et qui n’est qu’un réduit séparé par un panneau en bois peint pourvu d’un portillon. Parfois, dans les chambres oblongues, un important dispositif en bois ouvragé remplace le défoncement central, comprenant des armoires murales et des peintures sous verre agencées de part et d’autre d’une pendule. L’art de la peinture sous verre connut son âge d’or à Sfax au XIXe siècle sous la férule de la famille Feriani qui y a fait école, empruntant sa thématique surtout au patrimoine narratif oral en vogue à cette époque, et à l’art de la calligraphie arabe et à la pictographie. La maison traditionnelle à cour centrale représente une habitation adaptée à la famille patriarcale élargie et reflète le système parental correspondant, qui se fonde sur l’autorité et le pouvoir de la famille. Si la famille représente la cellule qui engendre la société, l’habitation produit à son tour la cité, et lorsque celle-là évolue, celle-ci change ainsi que l’architecture et par conséquent la ville entière.