La ville de Sfax : paysage urbain et continuité historique et urbaine

Sfax, cette cité bercée par la mer dont les flots, alanguis par les hauts fonds, viennent s’estomper sur ses interminables côtes, est chargée d’une histoire truffée de légendes qui mêlent sans embarras, fiction et réalité. Selon les historiens et les chroniqueurs, la fondation de la ville de Sfax en tant qu’entité urbaine homogène et cohérente, remonte au milieu du IXe siècle, à l’époque aghlabide, à partir d’un modeste hameau de pêcheurs, de paysans et de commerçants, groupés autour d’un ribat (l’actuelle casbah). Les remparts et la grande mosquée furent, semble-t-il, les premiers édifiés. La ville fut construite en surplomb de la mer, sur une butte appelée, tel que rapporté par la mémoire collective, Jebel Ennour.

La ville de Sfax : paysage urbain et continuité historique et urbaine

Sfax, cette cité bercée par la mer dont les flots, alanguis par les hauts fonds, viennent s’estomper sur ses interminables côtes, est chargée d’une histoire truffée de légendes qui mêlent sans embarras, fiction et réalité. Selon les historiens et les chroniqueurs, la fondation de la ville de Sfax en tant qu’entité urbaine homogène et cohérente, remonte au milieu du IXe siècle, à l’époque aghlabide, à partir d’un modeste hameau de pêcheurs, de paysans et de commerçants, groupés autour d’un ribat (l’actuelle casbah). Les remparts et la grande mosquée furent, semble-t-il, les premiers édifiés. La ville fut construite en surplomb de la mer, sur une butte appelée, tel que rapporté par la mémoire collective, Jebel Ennour. L’urbanisme de cette cité d’origine berbère donc et de fondation arabo-musulmane se caractérise par un maillage en damier quasi régulier et par une centralité marquée par la rencontre de façon orthogonale de deux voies structurantes : la rue de la Driba prolongée par la rue de la Mecque et la rue de la Grande mosquée. Il fut un temps où, autour de ce monument à la fois lieu de culte, de culture et de sociabilité, s’ordonnaient selon une répartition ségrégative hiérarchisée quartiers résidentiels et quartiers économiques (commerce, artisanat et services). Souvent confondus dans un même espace, les métiers et les commerces étaient groupés par affinité professionnelle corporative en souks linéaires, parfois couverts en voûte, ou organisés en césarées (qassâriya) ; les moins nuisant étant les plus proches de ce sanctuaire. Loin d’être spontané ou anarchique, il s’agit bel et bien d’un urbanisme pensé et rigoureusement structuré. En dépit des transformations qui l’affectent de façon inéluctable et des mutations spatio-fonctionnelles qu’elle vit, la médina conserve sa valeur de référence. Si l’équilibre traditionnel est rompu, un autre prend la relève, qui tient compte de l’urbanisation de l’ensemble de la ville. C’est cela la médina de Sfax : un noyau historique, mais sans cesse mis à jour. Le quartier dit Bab-Bhar ou ville européenne est un produit de la colonisation ; il est érigé sur l’emplacement du faubourg sud crée extra-muros à la fin du XVIIIe siècle, selon le schéma traditionnel d’un établissement à enceinte, pour résorber l’accroissement démographique que la cité médiévale connaissait grâce à sa dynamique endogène, et sur de nouveaux terrains gagnés par le remblaiement de la mer. La ville européenne se caractérise par son tracé urbain orthogonal où de larges voies se croisent et génèrent le tissu urbain. Parmi ces voies, deux artères structurantes, l’avenue Bourguiba appelée jadis avenue Jules Gau, et l’avenue Hadi Chaker, anciennement rue de la République, se rencontrent pour ménager le centre-ville où furent érigés l’Hôtel de Ville et l’ancien théâtre, détruit par les bombardements de la seconde guerre mondiale. Ces deux monuments manifestent la maîtrise urbaine et l’expansion culturelle. A y regarder de près, le quartier colonial reprend le modèle urbain médinal dans ses grandes lignes, à savoir la centralité, le tissu en damier et les voies structurantes perpendiculaires, mais s’en distingue par sa plus grande emprise territoriale, qu’aucun rempart ne limite, et par son maillage strictement rectiligne qui va favoriser une croissance linéaire et une efficace structuration de l’expansion urbaine extra-muros. La dyade médina et Bab-Bhar révèle une cohérence indubitable par la similitude de la structuration urbaine et dévoile une harmonie architecturale certaine par la relecture du patrimoine local, si bien que nonobstant les remparts qui semblent isoler la médina, la ville de Sfax, avec son quartier colonial, constitue un paysage urbain homogène et structuré de façon récurrente. D’abord, le nouveau quartier commercial érigé après la seconde guerre mondiale, en face des remparts, avance des saillis qui reproduisent les tours et donjons de cette muraille, suggérant un effet miroir évident. En plus, il est traversé par cette voie structurante qu’est l’avenue Hadi Chaker qui relie Bab-Diwan à l’Hôtel de Ville, et delà au port. Cette artère nord-sud prolonge la rue de la Grande mosquée intra-muros, formant un axe nord-sud, ponctué par une de ligne virtuelle de minarets qui part de celui de la mosquée Sidi Lakhmi hors médina, et aboutit au clocher-minaret de l’Hôtel de Ville, en passant par ceux de Sidi Bouchweisha à Bab-Jebli, de la Grande Mosquée et d’El-Ajouzaïn à proximité de Bab-Diwan, et l’austère minaret de la mosquée Hammouda Sellami dans le Nouveau quartier commercial. Cette voie est coupée perpendiculairement extra-muros et en son milieu par une autre artère aussi importante (appelé tour à tour avenue de Paris, av. Jules. Gau et av. Habib Bourguiba…), qui mène de la gare à l’est jusqu’au-delà du marché central à l’ouest. A l’intersection de ces deux voies, se dressent, à l’instar de la Grande Mosquée en médina, l’Hôtel de Ville et le Théâtre (aujourd’hui disparu) avec leur architecture arabisante. L’Hôtel de Ville et le théâtre dans le quartier européen, représentent des symboles significatifs du pouvoir colonial politique et culturel; la Grande mosquée en médina, connote à son tour le pouvoir politique et religieux local. Loin donc de supprimer toute référence au modèle urbain médinal, Bab-Bhar le reproduit selon une pertinente relecture, à travers le prisme de la modernité, ce qui signifie une harmonisation intelligente et judicieuse entre la médina et le nouveau quartier (faubourg puis ville coloniale). Il apparait donc qu’il ne s’agit guère d’un transfert nord sud, mais d’une adaptation voire une domestication de la modernité européenne en matière d’urbanisme sur un espace de contact et d’interaction, Bab-Bhar en l’occurrence, créant de la sorte une dynamique entre des référents locaux et des modèles, des styles et des techniques venus de l’autre rive de la Méditerranée; ce qui autorise à parler de pluralité des sources et d’influences croisées. Avec l’indépendance, l’urbanisation gagna la zone des cimetières (le Nouveau-Sfax) et celle des vergers, initialement réservée à un habitat saisonnier épars ; on assista alors à l’émergence, autour de la ville, de nombreux quartiers périurbains. Le Nouveau Sfax ou Sfax al-Jadida est un quartier érigé au cours des dernières décennies du XXe siècle sur la zone occupée par les anciens cimetières qui jouxtaient les remparts nord, dans le but de désengorger la médina et Bab-Bhar, et comme une extension urbaine logique de la ville. Cette nouvelle entité urbaine est remarquable par la diversité de ses architectures qui se veulent modernistes. Sfax offre aujourd’hui l’image d’une métropole régionale et d’une ville portuaire ouverte sur la Méditerranéen. C’est une ville en pleine effervescence, exubérante, qui exhibe non sans ostentation la splendeur de sa vitalité, une ville au passé prestigieux, mais toujours vécu au présent, donnant à voir les signes patents de son histoire sédimentée.

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