L’olivier et l’huile

« Allah est la lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable à une niche dans laquelle se trouve une lampe. La lampe est dans un cristal, le cristal est comme un astre resplendissant. Elle tire sa flamme d’un arbre béni, un olivier qui n’est ni d’Orient ni d’Occident et dont l’huile est près d’éclairer sans que le feu la touche. Lumière sur lumière…» (Coran. 24. 35).

L’olivier et l’huile

« Allah est la lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable à une niche dans laquelle se trouve une lampe. La lampe est dans un cristal, le cristal est comme un astre resplendissant. Elle tire sa flamme d’un arbre béni, un olivier qui n’est ni d’Orient ni d’Occident et dont l’huile est près d’éclairer sans que le feu la touche. Lumière sur lumière…» (Coran. 24. 35). Selon une légende qui remonte à la nuit des temps, deux paysans se disputèrent une terre très fertile. Le roi du pays décida que cette terre reviendrait à celui qui en ferait le meilleur usage. L’un des paysans eut la chance inouïe de capturer un étalon sauvage si fougueux: il entreprit de le domestiquer. L’autre s’engagea à greffer un oléastre qui avait spontanément poussé dans une vallée encaissée de la montagne où il habitait. Le jour venu, le premier avança un magnifique cheval, alors que le second présenta une modeste couffe remplie d’olives. Le roi décida que l’olivier était le meilleur don jamais fait à l’humanité. La culture de l’olivier en Tunisie remonte aux époques les plus lointaines, bien avant l’arrivée, sur cette terre, des Phéniciens et des Romains. La paléontologie nous apprend que l’oléastre existe en Tunisie depuis le 12e millénaire avant J.C., et que nos ancêtres libyques et numides savent le cultiver et le greffer. Zabbous est le nom qui désigne l’oléastre dans la langue amazigh, alors que l’olivier est appelé azmour, terme que l’on retrouve dans plusieurs ethnonymes comme Zammouri ou Zammour et autres toponymes en Tunisie, tels que le village d’Azmour dans le Cap Bon et Ksar Zammour dans la région de Médenine. Bien plus tard, les Phéniciens entreprendront d’améliorer les techniques agraires et de développer l’oléiculture. A ce propos, l’agronome carthaginois Magon a consacré un long développement à l’oléiculture où il recommande deux labours annuels, le désherbage, la taille après récolte et autres techniques... Par ailleurs, les fouilles archéologiques ont mis au jour les vestiges de nombreux pressoirs à huile qui jalonnent le pays, attestant une large extension de l’oliveraie africaine (tunisienne) à l’époque romaine. A l’époque médiévale, au VIIe siècle notamment, le géographe El-Yaaquoubi rapporte que l’olivier règne dans la région sfaxienne. Plus tard, le chroniqueur Al Bakri (XIe siècle) atteste que la ville de « Sfax se situe au milieu d’une forêt d’oliviers qui approvisionne d’huile l’Egypte, le Maghreb, la Sicile et le pays des Roum ». Mais l’oliveraie sfaxienne a lourdement souffert des vicissitudes de l’histoire et vivra durement l’expansion des activités pastorales, si bien qu’elle ne sen remettra qu’à l’arrivée des colons français à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Le paysan sfaxien a, depuis des temps immémoriaux, accumulé un savoir-faire ancestral qui lui a permis de dompter une nature si revêche et d’exploiter un sol semi aride, en le plantant d’oliviers. Espacement régulier des arbres, plusieurs labours et sarclages spécifiques destinés à aérer le sol, à ralentir l’évaporation et à supprimer les mauvaises herbes, une taille hardie, juste après la cueillette : telles sont les manifestations de ce savoir hérité et transmis. C’et ce qui a séduit le colon français qui, étonné par la régularité de l’alignement, tracé au cordeau, des arbres dans les olivettes sfaxiennes, et subjugué par le savoir-faire local, il s’associa au paysan sfaxien selon un contrat appelé mgharsa : lui fournissait la terre et le matériel, et le paysan le travail. Quand l’olivette venait à produire, la terre ainsi planté était partagée à parts égales entre les deux parties. Entamée à la fin du mois d’octobre, la cueillette s’étale sur plusieurs mois, selon l’importance de la récolte. Cornes de moutons aux doigts, les cueilleurs, montés sur des échelles doubles, détachent de leurs tigelles, en douceur et sans dommage, les olives qui tombent sur de grandes couvertures placées au-dessous des arbres. C’est alors que les femmes les prennent en charge pour les vanner dans de grands tamis à fin de les séparer des feuilles et les charger dans des cageots. Jadis, les olives étaient transportées vers les pressoirs, dans des bissacs à dos de chameaux ou en charrette. La récolte est ensuite convoyée vers les pressoirs pour en extraire cet or liquide si prisé qu’est l’huile. Aujourd’hui, les procédés d’extraction comprenant trituration et pressurage, se modernisent ; les vieux broyeurs électriques ainsi que les pressoirs hydrauliques ou à disques et scourtins tendent à disparaître pour céder la place aux pressoirs à chaîne continue. Beaucoup plus, certaines huileries modernes comprennent désormais des unités de conditionnement entièrement mécanisées. L’huile et l’olivier occupent dans l’imaginaire et l’inconscient collectifs une place profondément ancrée, aussi marquent-ils certaines pratiques et croyances que l’on doit puiser dans le tréfonds de la mémoire populaire, comme cette croyance à caractère combien ésotérique mais aujourd’hui tombée en désuétude! Quand la terre imprégnée des pluies automnales s’offre au labour, les paysans huilent le soc de leurs charrues avant de les enfoncer dans le sol. Ces socs lubrifiés qui pénètrent la terre dans la douceur présagent d’une récolte abondante, grâce à cette huile offerte en semences aux sillons ouverts.

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